Thursday, October 30, 2008

Justice pour les piétons

J'ai reçu la semaine dernière une lettre de la Cour municipale de la Ville de Montréal. Bonne nouvelle? Oui, bonne nouvelle, car la lettre m'informe que je recevrai bientôt une convocation pour venir expliquer devant un juge pourquoi je refuse de payer une amende de 37 $, infligée -- accrochez-vous! -- parce que j'ai traversé la rue alors que le feu était rouge pour les piétons.

Vous voulez naturellement connaître mes arguments?
C'est parti!

1. Être ou ne pas être un danger public
Oui, vilaine petite moi, j'ai traversé alors que le feu était rouge pour les piétons, je l'avoue. Mais! Mais la visibilité était excellente -- pas de voitures en vue sur au moins 500 m! --, et les voitures susceptibles de m'écraser en tournant n'auraient pas pu le faire puisque le feu était rouge aussi pour elles. Si j'avais moindrement constitué un danger, j'aurai payé. Vous tous qui connaissez mon honnêteté légendaire le savez.


2. Charité bien ordonnée...
La Ville de Montréal me met à l'amende parce que je traverse n'importe comment. Téléportons-nous dans un autre coin de la ville -- au hasard, sur la promenade Ontario. Là-bas, on ne trouve des feux de signalisation que tous les cinq blocs environ. Et entre deux feux... rien: pas de passage protégé pour les piétons, et encore moins de signalisation au sol. Voilà donc un bel exemple d'une charité bien mal ordonnée: si la Ville se souciait tant de la sécurité de ses citoyens sur deux pieds, peut-être commencerait-elle par ajouter des passages sécurisés à quelques endroits stratégiques?

3. La politique du tiroir-caisse
Le jour où je me suis fait verbaliser, quatre équipes de deux policiers en vélo s'étaient postées aux quatre coins du carrefour avec mandat de coller un ticket (un p.v. en français de France) à toutes les brebis égarées traversant la rue au rouge. Combien de temps sont-ils restés là, nos justiciers des villes? Une heure? Deux heures? Plus? Toujours est-il qu'au moment où je me faisais pogner (comme une bleue, je dois bien l'admettre), trois autres piétons étaient dans la même situation que moi. Cela nous fait donc: 4 x 37 $ = 148 $ x 6 (une amende toutes les 10 minutes) = 888 $ de l'heure. Business lucratif, vous ne trouvez pas?

4. La vertu de la pédagogie
Les piétons qui, comme moi, se sont vus infliger une amende ont-ils pris conscience du danger qu'ils pouvaient occasionner? J'en doute (voir argument 1), sauf à avoir véritablement représenté un danger, ie à avoir traversé devant une voiture. D'où la question: quelle est la vertu pédagogique de l'exercice? Dans mon cas, à quoi cela m'a-t-il servi de me faire vertement tancer par une vingtenaire en uniforme m'accusant d'être une citoyenne irresponsable? Je vais vous le dire: à renforcer le préjugé selon lequel les flics sont cons. Dès qu'ils ont disparu, tout le monde a d'ailleurs recommencé à traverser au rouge...

5. Moi pas débile, moi pas suicidaire
La Ville de Montréal a, en règle générale, confiance en moi et en mon jugement. Elle considère que je suis une grande fille qui n'a pas besoin d'aide pour traverser toute seule et sans feu de signalisation n'importe quelle rue dont, au hasard, les très passants carrefours de la rue Wellington, si proches de l'intersection où je me suis fait verbaliser. Alors je demande: Pourquoi me ferait-on confiance dans un cas et pas dans l'autre?

Si j'étais juge, je concluerais non seulement à un non-lieu, mais en plus, pour l'exemple, j'infligerais une méchante amende à la Ville de Montréal, coupable à mes yeux de faire perdre le précieux temps de ses juges, de ses policiers et de ses citoyens.

3 comments:

leslie said...

En effet cela semble ridicule! Peut-être l'argent ainsi récolté servira à améliorer les routes (oir blog précédent) Mais les frais occasionnés : juge, corrrespondance, timbres etc assez élévés me font penser que l'opération est nulle! Cela me fait penser à un moment à Mikkeli, Finlande où oJf et moi traversions une rue, le feu étant rouge pour les piétons et la rue barrée car en travaux. Les Finlandais nous ont regardé avec stupéfaction! Cela ne se fait pas!

L. said...

Oui, il paraît aussi que dans certaines villes américaines, ça amende dur!
Ahhh... dans qué monde qu'on vit...
L.

Anonymous said...

Tes arguments sont convaincants pour moi, mais je te prédis qu'un seul élément de ton discours sera pris en compte : que tu as effectivement commis l'infraction pour laquelle tu as reçu le constat d'infraction en question.

Le reste, hélas! n'est pas de son ressort. Le juge ne juge pas les lois et règlements; il les applique, c'est tout. Ton argumentaire s'adresse plutôt aux élus, qui eux peuvent amender les lois et les règlements. Et aussi de donner à la police des directives quant à la façon de les appliquer avec davantage de discernement.

Je te souhaite bonne chance... et bienvenue dans notre système de justice !

V. xx